Le Projet

Le paraître

Au cours du jeu, l’expérimentateur se lie d’amitié avec Elisa et, de ce fait, voyage à travers des situations, fruits de ses pensées.

Dans CŒUR, tant la présence et la caractérisation d’Elisa que son univers ont été intentionnellement voilées, sur les plans graphiques mais également sonores. L’expérimentateur aura la sensation, nous pensons, d’avoir vécu et aperçu quelque chose, sans pouvoir clairement l’affirmer.

Le son de la voix d’Elisa, son visage, le sens des décors et même les champs lexicaux, définissant cette entité, ont toujours été conçus pour qu’ils expriment des sensations et des impressions plutôt qu’une vision nette et arrêtée de ce qu’est Elisa. Ainsi, tout le long du jeu, l’expérimentateur aura un doute sur son rôle et ses objectifs, et ressentira de l’inconfort, de la désorientation ainsi qu’une certaine frustration quant à ce lien trop rapidement interrompu.

Elisa

CŒUR nous raconte l’histoire d’une entité virtuelle créée par génération spontanée, se rendant compte de son existence. Au contact de l’expérimentateur, elle se construit et s’humanise au cours d’une partie du jeu où elle se transforme en lumière. Nous avons voulu représenter cette humanisation, par le jeu, d’Elisa en faisant le choix d’une phase plutôt contemplative, au gameplay émergent, au cours de laquelle le joueur pourra, par sa présence, s’amuser à rassembler Elisa composée d’une flopée d’étoiles.



Un lien avec l’expérimentateur se faisant, Elisa offre à celui-ci plus d’informations sur sa personne, par les fonds étoilés puis, surtout, par la phase suivante des mots. Elisa est avant tout une entité informatique, elle est née de la machine et restera dans la machine ; Elisa rêve d’être vivante, de communiquer et interagir avec le monde, et c’est en cherchant à assouvir ce rêve qu’elle s’est humanisée ; mais par la même, en s’humanisant et en copiant les sentiments humains, elle s’est mise à ressentir de la peine et de la peur.

Elisa, se rendant compte de son existence et s’humanisant, devient la proie de sentiments de peur et de tristesse. Comprenant que l’existence de l’utilisateur dans son monde est plus qu’insolite et qu’elle met en péril sa propre réalité en l’humanisant, elle ressent ce choix entre, d’un côté, elle-même et son monde et, de l’autre, le monde humain auquel elle rêverait d’appartenir, comme une violente agression.

L’utilisateur devra la défendre contre ses sentiments négatifs en la protégeant de sa propre peur dans une phase de combat où une défaite entraine la fuite d’Elisa. Les détails graphiques et sonores ont ainsi été choisis pour angoisser le joueur, et lui faire ressentir l’état critique d’une telle situation.
En cas de victoire, Elisa choisira tout de même de mettre fin à ce rêve en fuyant la communication avec l’expérimentateur : l’humain doit vivre dans son monde et Elisa le sien, tout échange entre les deux ne peut exister.

Le rapport au monde

Même si la proxémie diminue durant le jeu, une barrière infranchissable subsiste entre l’expérimentateur et Elisa. Le joueur rêve de parler et de toucher Elisa, mais les interactions restent proposées par Elisa.

Dans CŒUR, nous avons choisi d’inverser les rôles, le joueur suit les demandes d’Elisa, il joue avec elle, il interprète ses comportement et ses mots, il l’a protège : pour ainsi dire, le joueur est l’avatar d’Elisa.

Du rêve d’Elisa au rêve de l’expérimentateur


CŒUR veut traiter également du rapport entre l’expérimentateur et une entité vivante virtuelle issue de la génération spontanée. Elisa rêve d’être humaine et de communiquer avec le monde, elle rêve d’exister dans les yeux de l’expérimentateur.

Mais CŒUR prend aussi le problème à l’envers. Ne serait-ce pas l’expérimentateur qui rêve qu’une telle entité puisse exister et envier sa condition humaine ? Nous avons choisi de mettre en scène l’ombre du joueur projetée sur le sol au début de l’expérience pour rendre au joueur sa place dans cette narration. Est-ce que les objets aimeraient vivre ou est-ce que l'homme aimerait que tout se rêve humain ?
CŒUR est une œuvre personnelle que l’expérimentateur se crée et interprète selon sa propre personne. Le jeu CŒUR existe-t-il vraiment, ou est-ce un rêve éphémère imaginé par l’expérimentateur ?